En Espagne, la justice se saisit de l’espionnage politique des indépendantistes catalans


Le président régional catalan, Pere Aragonès, s’adresse aux médias devant un tribunal de Barcelone, le 13 décembre 2023, après avoir comparu devant un juge qui enquête sur l’ancien chef des services de renseignement espagnols pour le piratage présumé du téléphone portable du dirigeant catalan avec le logiciel espion Pegasus en janvier 2020.

« Mon ami, le problème catalan continue. J’ai besoin de savoir si nos copains ont un compte en Suisse : Xavier Trias et Juan Maria Trias. » Rédigé par un commissaire de police espagnol, Enrique Garcia Castano, ce message, daté d’août 2014, est adressé à l’ancien directeur des douanes de Toulouse, Jean-Michel Pillon. Les noms qui y figurent sont ceux du maire de Barcelone de l’époque, Xavier Trias, du parti nationaliste Convergence démocratique de Catalogne (CDC), et de l’un de ses frères. S’en suivra, un mois plus tard, un dossier de 31 pages rédigé par M. Pillon sur l’élu nationaliste, d’après lequel il aurait eu un compte en Suisse, dans la banque UBS, jusqu’en février 2013, où figurait la somme de 12,9 millions d’euros, transférés par la suite en Andorre. Cette information sera rapidement transmise au journal El Mundo et publiée en « une », avant d’être démentie par Xavier Trias, puis par la banque UBS elle-même.

Ce courriel fait partie des dizaines de documents inédits que le journal catalan La Vanguardia et le site d’information Eldiario.es publient depuis le 15 janvier en Espagne et qui étayent le fonctionnement d’une « brigade patriotique » au sein de la police nationale. Celle-ci aurait été chargée, entre 2012 et 2016, sous le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy, d’espionner et de produire des rapports, diffusés dans la presse, mettant en cause la probité de personnalités liées au mouvement indépendantiste catalan, comme Xavier Trias, mais aussi les anciens présidents du gouvernement catalan, Artur Mas et Jordi Pujol – seul cas où l’existence de comptes en banque secrets en Andorre a pu être confirmée –, ainsi que des chefs d’entreprise ou des juges.

Le scandale de ce que les médias espagnols ont appelé « l’opération Catalogne » n’est pas nouveau. Dès 2016, la presse espagnole s’est fait écho des méthodes utilisées par un groupe de policiers et d’ex-policiers afin de miner le mouvement indépendantiste, alors en plein essor en Catalogne, mais aussi le parti de la gauche radical Podemos. Plusieurs commissions parlementaires, en Catalogne et à Madrid, se sont penchées sur le fonctionnement des « égouts de l’Etat » sous le ministre de l’intérieur Jorge Fernandez-Diaz (2011-2016).

Une enquête « pour vérifier la véracité des allégations »

Jusqu’à présent, cependant, aucune enquête judiciaire n’avait été ouverte sur l’« opération Catalogne », même si des membres supposés de la « brigade patriotique » ont été mis en examen dans d’autres affaires. Les détails apportés ces derniers jours ont changé la donne. Le 22 janvier, le parquet du tribunal supérieur de justice de Catalogne a ouvert une enquête sur la production d’un rapport de police, non signé, concernant l’ancien procureur en chef de Catalogne, Martin Rodriguez Sol. Par ailleurs, en France, la direction générale des douanes a assuré au Monde avoir diligenté une enquête « pour vérifier la véracité des allégations » apparues dans la presse catalane. Selon La Vanguardia, Jean-Michel Pillon aurait été payé 50 000 euros, piochés sur les fonds réservés du ministère espagnol de l’intérieur, pour ses rapports sur les indépendantistes. Sollicité par Le Monde, M. Pillon n’a pas répondu.

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